Licoornes : ces coopératives qui s’unissent – Interview de Bastien Sibille
Président de la nouvelle Licoorne Mobicoop, Bastien Sibille revient sur la fusion entre Mobicoop et Rezo Pouce et nous livre sa vision de la mobilité solidaire à moindre impact écologique. Rencontre.
LMI. Mobicoop et Rezo Pouce viennent de fusionner pour former ensemble la coopérative de la mobilité partagée Mobicoop ; pourquoi cette fusion ?
Bastien Sibille. Nous avons décidé de fusionner, d’abord, parce que nous partageons les mêmes valeurs : nous sommes deux coopératives qui cherchons à réduire l’usage individuel de la voiture sur les territoires. Nous partageons ainsi la même vision d’une mobilité à moindre impact écologique et l’idée que la transition écologique de la mobilité ne pourra pas se faire sans que des mécanismes de solidarité ne se mettent en place pour que tous les publics puissent accéder aux nouvelles formes de mobilité. On ne fera pas la mobilité écologique en laissant des populations sur le bord de la route. Et c’est pour cette raison que les deux coopératives ont placé la solidarité au cœur de leur action.
Au-delà des valeurs, ce sont également nos savoir-faire qui nous ont poussés à unir nos forces. Nous sommes des SCICI (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), une forme juridique particulière. Sur le plan économique, les deux coopératives travaillent essentiellement avec les collectivités locales. En d’autres termes, nous avons les mêmes clients. Et enfin, nous sommes toutes deux au service de la mobilité partagée. Rezo Pouce a développé un service d’autostop et Mobicoop des solutions de covoiturage. À force de constater ces convergences, il nous est apparu plus judicieux de fusionner plutôt que de devenir concurrents.
Quelles perspectives offre cette fusion ?
BS. Elle va permettre de compléter notre offre. Nous pouvons désormais développer pour les territoires des solutions d’autopartage, de covoiturage, de mobilité solidaire, d’animation du territoire… Une offre bien plus complète. Aujourd’hui Moobicoop, c’est au total 30 salariés pour un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros environ, une présence dans 2600 communes, 5 régions, 4 métropoles et nous comptons un peu plus de 500 000 comptes utilisateurs. Grâce à la fusion, nous allons pouvoir nous déployer plus largement.
Dans la téléphonie, la finance, l’électricité, la mobilité… De nombreuses sociétés coopératives d’intérêt collectif ont décidé d’unir leurs forces. Quel est l’objectif de ces Licoornes ?
BS. Face aux transformations à l’œuvre, les sociétés coopératives offrent un modèle alternatif en phase avec les inspirations des populations et des territoires à l’heure de la transition écologique. Cela fait 25 ans que nous répétons que notre modèle économique va dans le mur, car il amène à une surconsommation à l’origine de la crise écologique. C’est pourquoi nous avons construit un modèle plus résilient, moins basé sur la rémunération du capital et plus durable. Le mode d’organisation en coopérative n’est pas le seul point commun aux Licoornes. Leurs sociétaires et représentants partagent également d’autres valeurs communes comme la justice sociale et la solidarité.
On comprend pourquoi notre discours est de plus en plus audible notamment auprès des jeunes qui se dressent contre les multinationales qui détruisent la planète. En fusionnant leur savoir-faire et leurs compétences, les Licoornes peuvent être une réponse aux grands acteurs du web.
En fusionnant, pensez-vous être un acteur qui va compter dans le paysage de la mobilité ?
BS. J’en suis sûr. Nous sommes des plateformes coopératives face aux géants du web. Mais attention, nous sommes lucides, nous sommes de petits acteurs, et le contre-modèle que nous proposons, qui s’oppose aux grandes plateformes du Web, est extrêmement fragile. Néanmoins, 100 % des gens qui ont réussi ont tenté leur chance !
Nous avons une responsabilité morale vis-à-vis des jeunes générations. Au moins nous aurons essayé de faire bouger les choses. Mais nous avons conscience que l’on se dresse contre des modèles capitalistiques extrêmement destructeurs de richesses humaines, mais extrêmement puissants.
En matière d’adhésion des consommateurs ; est-ce que vos offres sont cohérentes avec les besoins des populations, encore très attachées à la voiture notamment sur les territoires ?
BS. Absolument. Nos actions visent à réduire l’utilisation de la voiture, sans pour autant vouloir supprimer totalement son usage. Ce serait complètement utopique. C’est pourquoi nous développons des solutions de partage, qui nous semblent les alternatives les plus pertinentes, sachant bien sûr qu’il faut s’adapter à la géographie du territoire. La crise sanitaire a révélé davantage encore les nombreuses fractures en France économique, géographique, culturelle… mais aussi géographique. Il est très facile lorsque vous résidez en ville de prendre les transports publics, mais impossibles lorsque vous demeurez en zone rurale éloignée. On voit bien comment la mobilité traverse toutes ces fractures. Il faut donc trouver des réponses. L’autostop, qui fonctionne bien dans les campagnes, répond bien à la fracture géographique. La mobilité solidaire répond, quant à elle, aux fractures économiques et culturelles tout comme le co-voiturage d’ailleurs, car le train coûte trop cher.
Quelles sont vos ambitions à moyen terme ?
BS. À terme, notre ambition est de donner aux collectivités territoriales les moyens de réduire le nombre de voitures en circulation sur leurs territoires.