[Interview] Sandra Hoibian, Directrice Générale & Directrice du Pôle Société du Crédoc
Dans un contexte de rentrée incertain, Sandra Hoibian, Directrice Générale & Directrice du Pôle Société du Crédoc, répond aux questions du LMI. Elle estime que les Français font face à des dépenses contraintes élevées, notamment les dépenses de logement, qui restent particulièrement lourdes.
LMI. Le pouvoir d’achat est la préoccupation essentielle des Français. Le ralentissement de l’inflation à 2 % est-il une bonne nouvelle pour relancer la consommation et apporter plus de confiance aux ménages ?
Sandra Hoibian. Les Français font face à des dépenses contraintes élevées, notamment les dépenses de logement, qui restent particulièrement lourdes. Après deux ans d’inflation, l’augmentation des salaires n’a pas complètement rattrapé celle des prix, ce qui limite leur marge de manœuvre financière. Du coup, les ménages restent très prudents dans leurs dépenses, d’autant plus que le contexte politique est assez incertain, ce qui ajoute à l’inquiétude générale.
Au-delà du contexte économique et politique, assiste-t-on à un changement de comportement des consommateurs ? Est-ce que la crise a incité les Français à revoir leurs priorités ?
SH. Les consommateurs cherchent à mieux gérer leur budget et à éviter les dépenses superflues. Pendant longtemps, les ménages étaient principalement préoccupés par le chômage, mais maintenant que le taux de chômage est relativement bas, l’inflation est devenue la nouvelle source de préoccupation. Les ménages restent prudents, et cette prudence pourrait persister même avec des mesures économiques positives comme une augmentation du SMIC ou des primes.
Vous avez mentionné le poids des dépenses de logement. Quelles politiques publiques pourraient favoriser une amélioration de la situation ?
SH. Le logement est en effet un enjeu majeur. Bien que certaines formations politiques proposent des mesures concernant les salaires et les primes, le logement reste « l’éléphant dans la pièce ». Pour vraiment améliorer la situation, il faudrait augmenter l’offre de logements, y compris pour les catégories intermédiaires et les bas revenus. Mais cela demande du temps et des investissements conséquents, contrairement à d’autres mesures économiques plus immédiates.
On parle de multiples fractures en France : sociales, territoriales, médicales, éducatives. Quel est votre point de vue sur l’état de la cohésion sociale dans le pays ?
SH. Je pense qu’il y a une perception souvent plus négative que la réalité. Certes, il existe des inégalités et des fractures, mais il est important de noter que 8 Français sur 10 se sentent bien intégrés dans la société. La tolérance tend même à progresser. La société française est particulièrement sensible aux inégalités, ce qui alimente un discours pessimiste, mais cela reflète aussi un engagement fort en faveur de la justice sociale.
Concernant la transition écologique, comment faire en sorte que cette transition soit inclusive et qu’elle n’aggrave pas les inégalités ?
SH. La transition écologique doit être pensée de manière à ne pas pénaliser les ménages les plus modestes. Il faut donc développer des alternatives plus abordables et adaptées aux besoins de chacun. Et pour vraiment réussir cette transition écologique, il est essentiel de repenser en profondeur nos modèles de mobilité. Car la mobilité, en tant que droit fondamental, doit être accessible à tous, peu importe où l’on vit ou son niveau de revenu. Actuellement, dans de nombreuses régions rurales et périurbaines, les infrastructures de transport public sont souvent insuffisantes ou inexistantes et les habitants de ces zones dépendent encore largement de la voiture individuelle, ce qui crée une inégalité face aux coûts. Et les mesures mises en place notamment les aides à l’achat de véhicules électriques, restent insuffisantes ou mal adaptées.
Quelles seraient les pistes à développer pour répondre aux attentes des Français en matière de pouvoir d’achat et de qualité de vie ? SH.
Développer davantage les villes moyennes pourrait être une solution. Elles offrent un cadre de vie agréable, des loyers moins chers et sont capables de créer des emplois. Cela pourrait aider à résoudre plusieurs problèmes à la fois : réduire la pression sur les grandes villes et offrir une meilleure qualité de vie.