[Interview] Boris Ravigon, nouveau Président Directeur Général de l’ADEME.
Pour le nouveau Président Directeur Général de l’ADEME, Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières (Ardennes) et Président d’Ardenne métropole depuis 2014, nommé il y a quelques semaines par le président de la République : « L’ADEME joue un rôle majeur auprès des collectivités pour une mobilité plus inclusive ».
L’ADEME, Agence de transition écologique, joue un rôle central pour accompagner la transition écologique du secteur de la mobilité, qui reste le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) ; quelles sont les priorités d’action pour inverser la tendance ?
Boris Ravignon. L’ADEME a vocation à mettre en œuvre la politique de l’État en matière de transition écologique. L’agence se mobilise et accompagne les collectivités locales dans leurs stratégies climat-air-énergie, économie circulaire et aménagement, à travers de nombreux programmes et labellisations. L’enjeu étant de les aider à devenir des territoires durables, attractifs et moteurs de comportements écoresponsables. Nous accompagnons également les entreprises à s’engager dans la transition écologique. Pour les aider, l’ADEME a développé des dispositifs techniques, méthodologiques et financiers destinés aux TPE/PME. Huit nouveaux dispositifs ont été lancés en 2020, en partenariat avec Bpifrance, à l’instar du Prêt vert. Mais la transition écologique concerne également les citoyens. Dans tous les gestes du quotidien, nous aidons à la prise de conscience de l’urgence à changer les comportements et nous les aidons à passer à l’acte par exemple, en matière de rénovation énergétique, de choix d’électricité verte ou d’habitudes numériques… Nous mettons ainsi à leur disposition des guides pratiques par exemple.
En matière de mobilité, l’Agence accompagne tous les acteurs pour les aider à progresser vers des modes de déplacements plus durables. Car n’oublions pas que les transports sont responsables de près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre de la France et génèrent des polluants qui nuisent à la santé. L’objectif étant de développer un bouquet de solutions décarbonées. Du vélo, en passant par la marche à pied, les transports collectifs ou la voiture électrique, l’idée étant que chaque citoyen adopte le mode ou les modes de déplacement qui répondent aux besoins de leur quotidien qui ne sont naturellement pas les mêmes si vous habitez en zone rurale ou dans une métropole. La priorité étant de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin d’aider les particuliers, les entreprises et les collectivités à acquérir des véhicules moins émetteurs. Je pourrai citer à titre d’exemple l’opération eXtrême Défi, que nous avons lancée l’an dernier, une démarche collective visant à imaginer de nouveaux véhicules sobres, durables, légers et accessibles remplaçant la voiture pour les déplacements du quotidien.
Comment accélérer le processus de décarbonation ?
BR.En ville, la moitié des déplacements inférieurs à 3 kms se font en voiture. Il est urgent d’adopter des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. L’ADEME accompagne dans cette trajectoire de décarbonation les AOM (Autorités Organisatrices de Mobilités) dans leur politique de mobilités durables, mais également les initiatives locales privées qui favorisent les modes de transport plus respectueux de l’environnement à travers différents dispositifs qui s’inscrivent dans sa stratégie Transports & Mobilité 2020-2023, en soutien à la politique de transition écologique du gouvernement. Ces dispositifs se déclinent selon trois piliers d’action : l’accompagnement, le financement et l’expertise. Mais si les leviers d’action pour accompagner la décarbonation des transports du quotidien sont nombreux, ils impliquent cependant de repenser en profondeur nos habitudes de déplacements. Et là c’est plus difficile.
La crise énergétique et le contexte inflationniste actuel viennent aggraver les inégalités d’accès à la mobilité quotidienne. Les enjeux de la transition écologique et solidaire de la mobilité étant intimement liés, comment l’ADEME intègre-t-elle la mobilité inclusive dans sa stratégie mobilité ?
BR. Le monde de la mobilité est aujourd’hui en bouleversement et comporte des enjeux clés auxquels toutes les parties prenantes doivent faire face. Car face à l’augmentation des prix du pétrole, à la lutte contre l’étalement urbain et aux politiques de restriction de la voiture individuelle, nous devons adopter de nouveaux comportements et pour bon nombre, c’est une véritable révolution, notamment pour les habitants des zones rurales et les plus fragiles. En réponse, l’ADEME a mis en place une stratégie Transports & mobilité 2020-2023 avec l’objectif de créer des conditions favorables au déploiement de solutions diversifiées permettant à toutes les populations, y compris les plus fragiles de s’adapter aux nouvelles contraintes climatiques, mais aussi économiques. Cette stratégie est articulée autour de 3 axes : le changement de comportement et la sobriété, le report modal et l’amélioration de l’existant. Son rôle est d’accompagner tous les acteurs, comme je le disais, dans cette dynamique partenariale et collective du changement sur un temps long. Nous sommes convaincus que l’innovation dans les mobilités permet de réduire la fracture sociale. Aujourd’hui, nous sommes engagés dans le déploiement à grande échelle de la mobilité active et partagée permettant de favoriser l’intermodalité et la multimodalité. Et bien sûr, nous accompagnons les collectivités dans cette dynamique.
De quelle manière les collectivités territoriales peuvent-elles mieux intégrer les enjeux de la mobilité solidaire (emploi, seniors, développement local) dans les politiques locales de mobilité et d’aménagement et de lutte contre la précarité ?
BR. Pour la mise en œuvre de sa stratégie, l’ADEME s’appuie tout particulièrement sur les collectivités afin qu’elles intègrent les enjeux de mobilité solidaire dans leur politique de mobilité et qu’elles déploient à grande échelle les solutions adaptées à leur réalité du terrain. Par leurs actions et leurs choix en matière d’équipements, d’aménagement et d’urbanisme, les collectivités contribuent fortement au développement d’une mobilité́ durable et plus équitable. Dans cette volonté de réduction de la fracture sociale, nous accompagnons également les acteurs avec qui elles coopèrent dans la mise en place opérationnelle de la mobilité durable et solidaire. A ce titre, l’Appel à Manifestation d’Intérêt « France Mobilités – Territoires de Nouvelles Mobilités Durables » qui s’inscrit dans une démarche globale en faveur des nouvelles mobilités durables et solidaires répond tout particulièrement aux spécificités régionales et aux besoins locaux, notamment ceux des territoires peu denses et ruraux. Il a pour objectifs de favoriser le développement par les territoires de projets de mobilités quotidiennes durables pour tous, de structurer des partenariats en créant du lien entre les collectivités et les entreprises qui peuvent porter les innovations, de permettre de concrétiser les stratégies régionales ou locales de mobilité, de capitaliser des retours d’expérience et de les partager avec d’autres territoires. Aujourd’hui, plus de 150 appels à projets ont été opérés par l’ADEME, initiés et coordonnés par les collectivités locales.