[Etude] Mobilité des jeunes en zone rurale.
Cette étude intitulée « Jeunesse et mobilité : la fracture rurale » menée par Chemins d’avenir, l’Institut Terram et l’Ifop revient sur les handicaps structurels rencontrés par les 15-29 ans habitant en milieu rural pour se déplacer.
Dans cette nouvelle étude sur la mobilité des jeunes en milieu rurale, « les territoires ruraux correspondent aux communes « peu denses » et « très peu denses », soit 88 % des communes et un quart des jeunes de 15 à 29 ans (26 %). »
Selon cette étude « lorsqu’on interroge les jeunes ruraux sur le lieu où ils souhaitent mener leur vie, une division quasiment équitable apparaît entre ceux qui désirent rester dans leur territoire (48 %) et ceux qui veulent le quitter (52 %) ». En comparaison, les jeunes urbains sont moins nombreux à vouloir rester dans leur lieu d’origine (41 %, contre 59 % qui souhaitent bouger).
Plus le niveau de vie des jeunes ruraux est élevé, plus forte est la volonté de rester : 55 % des jeunes ruraux aisés expriment leur intention de demeurer dans leur territoire, contre seulement 43 % pour ceux issus de milieux populaires.
Les kilomètres sont lourds de conséquences sur le quotidien des jeunes ruraux, qui doivent composer avec la distance. Parce qu’ils sont loin des opportunités et des services, les jeunes ruraux de 18 ans et plus issus de communes très peu denses passent en moyenne 2 h 37 dans les transports chaque jour. C’est 42 minutes de plus que pour les jeunes urbains majeurs (1 h 55) : près de trois quarts d’heure en moins par jour pour les loisirs culturels, la pratique sportive ou encore le temps en famille.
À la problématique des kilomètres s’ajoute une offre de transports en commun insuffisante. Les transports en commun ne permettent pas de compenser l’éloignement : 53 % des jeunes ruraux déclarent être mal desservis par le réseau de bus, contre seulement 14 % chez les jeunes urbains, soit 39 points d’écart. Même estimation pour le train, avec 62 % des jeunes ruraux qui s’estiment mal desservis contre 24 % des jeunes urbains.
Cette insuffisance des transports en commun provoque mécaniquement une dépendance à la voiture. Les jeunes ruraux sont 69 % à dépendre de la voiture quotidiennement, contre 31 % des urbains. Cette dépendance provoque une fragilité, notamment pour les 7 jeunes ruraux sur 10 de plus de 25 ans (67 %) qui se disent en risque de perdre leur emploi si leur mode de transport actuel est compromis. Cet enjeu de la mobilité dans la vie des jeunes ruraux se retrouve dans tous les domaines. Ces jeunes sont contraints par la distance pour se rendre en cours, s’engager dans une association, faire les courses, effectuer une démarche administrative, recevoir des soins… Lorsqu’ils ne peuvent pas parcourir cette distance, ils en viennent à se priver : 49 % des jeunes ruraux disent avoir déjà renoncé à la pratique d’activités culturelles en raison de contraintes de déplacement ou de mode de transport. Un pourcentage qui s’élève à 57 % pour les jeunes des territoires très peu denses.
Au moment de construire leur parcours d’orientation, l’enjeu de la mobilité prend un nouveau tournant pour les jeunes ruraux. Parce que 70 % des formations post-bac se situent dans les grandes métropoles, ceux qui souhaitent poursuivre des études supérieures devront nécessairement bouger pour se former. Quand on sait que 8 jeunes ruraux sur 10 (79 %) ont passé les dix premières années de leur vie à la campagne ou dans une petite ville, on comprend qu’ils hésitent à franchir le pas vers une grande ville coûteuse sur les plans financier et matériel. Et, de fait, la grande majorité de ces jeunes se projettent dans un territoire similaire au leur : 63 % d’entre eux disent souhaiter vivre leur vie d’adulte en milieu rural – dans le détail, davantage à la campagne (43 %) que dans une petite ville (20 %). Ces préférences contrastent nettement avec celles des jeunes urbains, beaucoup plus libres dans leur façon d’envisager leur territoire futur : 29 % envisagent de vivre dans une ville moyenne, 22 % dans une grande ville, 18 % à la campagne, 17 % dans une petite ville et 14 % à l’étranger. Les jeunes urbains sont de fait beaucoup plus libres d’aller chercher la formation, puis l’emploi, là où ils se trouvent.
Les jeunes ruraux retrouvent encore le défi de la mobilité et ses conséquences au moment de construire leur parcours professionnel. Ainsi, 38 % des jeunes ruraux en recherche d’emploi disent avoir déjà renoncé à passer un entretien en raison de difficultés de déplacement. C’est 19 points de plus que leurs homologues urbains (19 %). Une fois en poste, la distance moyenne entre leur lieu de travail et leur domicile continue de peser sur les jeunes ruraux : 45 % d’entre eux ont déjà rencontré des difficultés pour se rendre au travail en raison de l’éloignement ou de problèmes de transport. Les frais nécessairement associés aux déplacements viennent alourdir cet état de fait : à titre d’exemple, le budget moyen pour les transports d’un jeune rural s’élève à 528 euros par mois versus 307 euros pour les jeunes urbains du même âge. Un coût qui conduit les jeunes des territoires à renoncer à certaines opportunités professionnelles ou bien à entamer leur reste à vivre. L’étude revient également sur le lien entre vote et mobilité des jeunes : « Les entraves à la mobilité des jeunes ruraux alimentent le vote en faveur du Rassemblement national (RN). Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, 39,6 % des jeunes ruraux ont voté pour Marine Le Pen. C’est plus du double des jeunes urbains (18,1 %). À l’inverse, les jeunes ruraux se sont beaucoup moins tournés vers Emmanuel Macron (16,8 %) que leurs homologues urbains (24,3 %), mais aussi moins tournés vers Jean-Luc Mélenchon (16,2 % contre 27,6 %). Il est frappant de constater que ce sont les jeunes ruraux dont la mobilité est quotidiennement difficile qui sont les plus nombreux à porter leur dévolu sur la droite radicale. Plus le temps passé en voiture est long, plus le vote pour la candidate du RN croît : 34 % pour ceux qui sont moins de 30 minutes par jour dans leur automobile, 43 % entre 30 et 59 minutes, 42 % entre 1 et 2 heures et 49 % pour plus de 2 heures. De même, l’isolement géographique perçu joue un rôle déterminant : ils sont ainsi 36 % à avoir voté Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 lorsqu’ils habitent dans une petite ville, 41 % dans un village et 46 % dans un hameau. Enfin, les critères socio-économiques renforcent l’effet de lieu avec un vote RN majoritaire chez les classes défavorisées (57 %), chez les diplômés d’un CAP ou d’un BEP (60 %) et chez les salariés du privé (51 %).
L’étude est à consulter ici :
Pour aller plus loin :
https://www.mobiliteinclusive.com/wp-content/uploads/2020/03/Synth%C3%A8se-du-rapport-FINAL.pdf