[Interview] Bertrand Buineau, responsable du service intermodalité, accessibilité et nouvelles mobilités à la direction Mobilité infrastructure de Montpellier.
La région Occitanie lance à partir du 30 novembre prochain les États Généraux de la Mobilité Solidaire. Pour Bertrand Buineau « la mobilité solidaire est une réponse pertinente aux enjeux de la transition écologique »
LMI. Quel bilan dressez-vous des inégalités sur les 10 dernières années en matière de mobilité ?
Bertrand Buineau. Le contexte des 10 dernières années s’est effectivement durci avec la hausse du coût de l’énergie, l’enjeu climatique, depuis 2020 la pandémie, et une inflation galopante. L’exécutif Régional s’est saisi de ces enjeux et a fixé le cap à ses services techniques au travers du SRADDET et de plusieurs actions et plans votés ces dernières années comme la mise en place de tarifs réduits dans les transports liO (SolidariO, et plus récemment, la gratuité pour les transports scolaires et pour les moins de 26 ans, …) ; le dispositif Pôles d’Echange Multimodal en œuvre depuis 2017, pour faciliter l’intermodalité dans la chaîne de déplacement (près de 80 projets de PEM en cours ou récemment inaugurés) ; Le pack mobilité avec l’écochèque mobilité durable pour l’achat d’un véhicule propre ou d’un vélo classique ou avec assistance électrique en 2019 ;Le Plan Vert en 2020 ; le Plan Vélo voté en 2020, ou encore le Plan covoiturage voté en 2022.
Aujourd’hui, la Région Occitanie lance une réflexion sur les mobilités solidaires : les États Généraux de la Mobilité Solidaire à partir du 30 novembre prochain (la Région Occitanie est la première Région française à se lancer dans une démarche de concertation de cette envergure). L’objectif est de développer une offre de mobilité « sur mesure et sans couture ». Car l’heure est bien à la combinaison d’une diversité de solutions pour multiplier les offres de déplacements sur les territoires de faible et de moyenne densité et pour tous les publics, y compris les plus vulnérables.
Dans le cadre de la réflexion sur les mobilités solidaires (nouveau champ de compétence institué par la Loi d’Orientation des Mobilités), notre première démarche est de recenser tous les services d’aides à la mobilité que les collectivités locales et les nombreux acteurs déploient sur leur territoire. Le vice-président à la Mobilité, Jean-Luc Gibelin, a voulu une concertation la plus large possible pour identifier toutes les solutions proposées à un public très éloigné de l’emploi, des services de santé ou des besoins du quotidien pour des raisons sociales, physiques ou cognitives. En parallèle, les services de la Région ont délimité le périmètre et un cadre technique de la mobilité solidaire, qui n’est définie dans la LOM qu’au travers des publics « vulnérables » bénéficiaires, et de la priorité donnée à l’accès à l’emploi. La méthode retenue par les services de la Région pour partager un diagnostic et le recensement des besoins avec les acteurs de la mobilité solidaires s’appuiera sur ce périmètre pendant les ateliers des États Généraux de la Mobilité Solidaire.
La transformation de la mobilité du quotidien inclut plus de justice sociale. Quel regard portez-vous sur cette combinaison transition écologique et justice sociale ?
BB. L’objectif du champ de compétence de la Mobilité Solidaire est d’apporter des solutions correctives aux publics vulnérables qui subissent des freins à leurs besoins de mobilité. La Région a la compétence pour « coordonner » les actions des différentes collectivités locales (Communes, EPCI, départements) avec ses propres actions, dans un souci d’équité des territoires. La Présidente de Région, Carole Delga, et son Vice-Président, ont affirmé leur ambition d’équité sociale et d’équité entre les territoires au travers des actions présentées précédemment, ainsi que leur ambition sur l’enjeu d’une transition écologique rapide. Pour traduire techniquement ces ambitions de l’exécutif régional, nous, techniciens de la Région, devons faire face à un enjeu de taille : La transition écologique exige de repenser fondamentalement nos services de mobilités en les articulant autour du réseau ferroviaire liO : mode de transport le plus vertueux sur le plan environnemental et le réseau Car liO. Personne ne peut échapper à cette transition écologique et toutes les contraintes qu’elle impose font partie intégrante de notre réflexion. Comme je le disais, aujourd’hui toutes les solutions de mobilités sont envisagées pour répondre aux besoins des populations afin de pouvoir leur redonner de l’autonomie. La transition écologique et la mobilité solidaire constituent l’opportunité de déployer des projets de territoires, et dans la région ils sont nombreux, travailler au désenclavement et favoriser ainsi l’égalité des chances. Le fil conducteur pour clarifier le niveau d’investigation de la Région dans le foisonnement actuel des solutions possibles, c’est la notion de « services de mobilité d’intérêt public régional ».
Quels sont les enjeux en matière de mobilité dans les 10 prochaines années ?
BB. Au-delà du défi de la mobilité pour tous, il nous faut, compte tenu des contraintes environnementales s’attaquer aux mobilités des derniers kilomètres : c’est un point prioritaire de la feuille de route fixée par le vice-président. Il nous faut trouver des solutions concrètes là où les transports en commun ne vont pas parce que les territoires sont trop enclavés mais aussi parce que la fréquentation est trop faible notamment aux heures creuses. Pour ces territoires des derniers kilomètres, les nouvelles mobilités ont tout leur sens : à commencer par le covoiturage dont la Région s’est déjà saisie. L’enjeu fondamental pour la Région, est d’amarrer ces nouveaux services de mobilités qui émergent spontanément, aux transports publics structurants, déjà existants (train et car liO principalement) sans générer des surcoûts de fonctionnement que les collectivités locales, quelles qu’elles soient, ne seraient pas en mesure d’assurer. Parmi ces services émergeants, un grand nombre s’appuie sur l’entraide de l’ensemble de la société civile, avec l’appui des pouvoirs publics : nous entrons alors dans le registre de la mobilité solidaire.