Quelle place pour le transport solidaire ? – Interview d’André Gillet
Il fait figure de pionnier sur la question des transports solidaires en Loire-Atlantique. Entretien avec André Gillet, Président de l’UDAMS, l’Union Départementale 44 d’Accompagnement à la Mobilité Solidaire et de l’Association Pannecé Teillé Solidarité Transport qui regroupe huit Communes dans le Pays d’Ancenis.
« Votre voix semble plus jeune que la mienne, que j’aimerais avoir votre âge en sachant ce que je sais, au mien » dès le premier échange téléphonique, André Gillet donne le ton de notre entretien. À presque 74 ans, l’homme originaire du pays d’Ancenis en Loire-Atlantique a un agenda de ministre ! André Gillet qui a fait de la question des transports solidaires un engagement total est très sollicité. Après avoir créé en 2005 l’association des transports solidaires, il donne naissance en 2017 à l’UDAMS (Union Départementale d’Accompagnement à la Mobilité Solidaire) qu’il préside. Il dirige également l’Association : « Pannecé Teillé Solidarité Transport » qui regroupe huit Communes dans le Pays d’Ancenis. Parcours et combats d’un homme de conviction.
Questions à André Gillet :
Vous consacrez depuis près de 15 ans votre temps à celles et ceux qui sont en manque de mobilité. Quelle est d’ailleurs votre définition du transport solidaire ?
Pour moi le transport solidaire, consiste à sortir les gens de l’isolement, et leur apporter du lien social. Il s’agit avant tout d’écouter celles et ceux qui aujourd’hui sont en difficulté, car chacun de nous peut demain se retrouver dans une telle situation. En fait, le transport solidaire c’est tout simplement revenir à ce qui se faisait naturellement il y a 50 ans lorsque les gens s’entraidaient les uns les autres. Il y a 50 ans nous n’avions pas besoin d’associations pour nous épauler dans le domaine des mobilités. Les gens se parlaient, communiquaient et se rendaient service naturellement. Remettre au goût du jour ce qui se faisait naturellement chez les anciens, c’est précisément la méthodologie que j’ai suivie, il y a 15 ans quand je me suis lancé dans cette aventure ici en Loire-Atlantique. Je me suis très vite rendu compte que l’égoïsme était entré dans le milieu rural tout autant que dans le milieu urbain et qu’il fallait structurer les choses pour pouvoir avancer.
De quelle manière justement avez-vous « structuré » ce transport solidaire ?
Au début, nous avons spontanément apporté de l’aide aux personnes âgées dans les maisons de retraite, nous les accompagnions dans leur déplacement lors d’après-midi récréatives. Très vite, d’autres besoins ont émergé, on nous a demandé de les accompagner chez le médecin ou dans des déplacements de la vie quotidienne. J’ai souhaité alors proposer quelque chose de correct et de légal. Avec l’aide de la mutualité sociale agricole et des services sociaux, nous avons pensé à créer une association, c’est ainsi qu’est née « l’association des transports solidaires » nous avons recruté les premiers bénévoles dans notre commune de Pannecé, via une petite annonce dans le bulletin municipal.
Et 10 ans plus tard, en 2107 vous créez l’Union Départementale d’Accompagnement à la Mobilité Solidaire l’UDAMS dans le but de négocier le coût de l’assurance pour les chauffeurs bénévoles, vous pouvez nous expliquer ?
La question de l’assurance et de la responsabilité des conducteurs bénévoles était essentielle pour moi. Effectivement nous avons créé L’UDAMS afin de pouvoir négocier le coût de l’assurance. Après 6 mois de négociations, nous sommes arrivés à un cout raisonnable, ce fut notre première mission, nous regroupions à l’époque 9 associations, nous sommes 28 aujourd’hui. Nous avons depuis diversifié nos actions, nous proposons de l’accompagnement pour les associations qui se créent, de la formation aux premiers secours avec l’aide des pompiers, ou encore de la formation à la sécurité routière pour les bénévoles. Nous comptons plus de 1000 bénévoles et 4000 bénéficiaires.
Le rôle des bénévoles est essentiel, ils sont parfois les premiers à être confrontés aux difficultés d’une personne, comment les forment-on ? Comment les prépare-t-on ?
Les associations sans les bénévoles ce n’est rien du tout et apporter son aide à une personne en difficulté est quelque chose qui s’apprend. Le bénévole peut être confronté à des situations délicates, c’est pourquoi nous allons proposer des formations d’aide psychologique afin que les aidants puissent savoir comment accueillir une confidence, une détresse, ou savoir comment garder la bonne distance et le bon lien, car il arrive que derrière « le besoin » pour lequel on est venu nous chercher, se cachent des situations plus complexes à gérer.
À propos « des besoins » justement, ont-ils changé, évolué au cours de ces 15 dernières années ?
Oui, les générations changent et les besoins aussi et nous devons être en perpétuelle capacité d’adaptation. Au début, les besoins émanaient surtout des personnes âgées, ils se sont étendus aux familles et à leur nouvelle composition, je pense notamment aux familles monoparentales. Nous aidons aussi beaucoup les jeunes dans leurs déplacements, comme par exemple, les collégiens qui en 3e qui doivent aller faire un stage alors que les deux parents travaillent. Des besoins plus nombreux se sont également fait sentir de la part de celles et ceux qui sont demandeurs d’emploi, nous les aidons pour faire leurs démarches pour passer le permis ou en les accompagnant à un entretien.
Autre changement notable, celui du rôle de l’État dans le domaine des transports solidaires. La LOM a pour ambition d’apporter un cadre et des critères permettant de bénéficier de cet accompagnement solidaire ? Que pensez-vous de cette loi ? Qu’en attendez-vous ?
Oui l’État a mis son nez dedans ! Mais tout n’est pas négatif dans la LOM, ce texte permet aussi d’officialiser ce que l’on fait ! Certes, le décret « Transport d’Utilité Sociale » qui devait encadrer et sécuriser un service qui ne l’était pas, était quant à lui négatif. Mais nous sommes montés au créneau pour le rendre plus acceptable et faire évoluer le montant des ressources qui excluait les personnes de ce dispositif.
Mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour rendre celle-ci mieux adaptée au Transport Solidaire.
Ce que j’attends c’est que l’on soit reconnus à notre juste valeur, que nous soyons reconnus d’utilité publique. Aujourd’hui nous sommes financés par les collectivités locales, par le département, par la conférence des financeurs, mais on le sait, les finances publiques sont en difficulté, nous souhaiterions être reconnus afin de pouvoir bénéficier également du financement privé.
Vous êtes aujourd’hui un homme très sollicité, bien au-delà de Loire-Atlantique… Qu’est-ce qu’on vient chercher auprès de vous ?
Oui, les sollicitations viennent de tout le territoire on me demande des conseils pour mettre en place des associations de transports solidaires et surtout pour « dé-diaboliser » ce sujet des transports solidaires. Ma manière d’aider et de dire que le sujet du transport solidaire, c’est de mettre en place des choses simples, accessibles à tout le monde tout en respectant la loi. La structure que nous avons développée peut servir de modèle, nous avons un statut, un règlement intérieur simple. Nous aidons les bénévoles et les associations à se structurer et à trouver des financements dans leur département, à l’image de ce que nous avons fait ici : le département de Loire-Atlantique est le seul département qui est organisé de cette manière, le conseil départemental paye les assurances à toutes les associations adhérentes de l’UDAMS et je suis certain que d’autres départements vont venir sur ce mode de financement, en tout cas j’y travaille.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer à celles et ceux qui nous lisent ?
Celui d’être serein et de ne jamais rien lâcher. Je souhaiterais dire aux jeunes que l’on accompagne, qu’ils gardent en tête que demain leur tour viendra, qu’ils reprennent en chœur ce que moi j’ai vécu dans ma jeunesse aux Jeunesses agricoles catholiques (JAC), c’est avec le Mutualisme et la Solidarité que l’on s’en sortira, « ensemble et solidaire ».