Publication du rapport « Mobilités des jeunes » : au cœur des enjeux
Pendant que la réforme du permis de conduire s’engage et à l’occasion de la publication du rapport « Mobilités des jeunes », par le Conseil d’Orientation des Politiques de Jeunesse (COJ), la question de la mobilité demeure un vrai sujet sociétal : près d’un tiers des jeunes de 18 à 24 ans renonce régulièrement à des services du quotidien faute d’avoir un moyen de transport pour s’y rendre. L’apprentissage de la mobilité, recommandation phare, portée par le LMI, est plus que jamais une priorité.
« Dans un contexte d’injonction à la mobilité se cache souvent une absence de solution locale, une société qui zappe, une société du mouvement.» Ce constat est posé en préambule du rapport Mobilités des jeunes du COJ publié fin février 2019. Il rappelle la vulnérabilité des jeunes face à la mobilité et le besoin de construire des solutions de mobilité plus inclusives pour la jeunesse de notre pays.
En effet, qu’il s’agisse d’entrave au lien social ou d’entrave à l’emploi, les premiers empêchés de la mobilité sont avant tout les jeunes. C’est en substance ce qui ressort des différentes études menées par le LMI. A l’occasion des 5e Rencontres de la Mobilité inclusive en mai 2018, le Laboratoire a demandé à l’institut Elabe de réaliser une enquête sur « la mobilité et l’accès aux services de la vie quotidienne ». Les résultats indiquent clairement cet empêchement à la mobilité : près d’un jeune sur deux de 18 à 24 ans a le sentiment d’être contraint dans ses déplacements ou ses modes de transports ». Mais au delà de cette contrainte perçue, 3 à 4 Français sur 10 déclarent avoir déjà renoncé ou repoussé à plus tard (par défaut de mobilité) à accéder à des loisirs ou faire une sortie culturelle (41%), faire des démarches administratives (36%), se rendre à un rendez-vous médical (30%), pratiquer une activité physique ou sportive (29%), ou faire ses courses alimentaires (26%). L’étude montre que cette proportion est pratiquement systématiquement supérieure en ce qui concerne l’échantillon des 18-24 ans.
La première conséquence de cet empêchement à la mobilité est une entrave au lien social : 58% des jeunes de 18 à 24 ans affirment en effet qu’ils ont déjà renoncé à rendre visite à leur famille car il n’avait pas accès à un moyen de transport pour s’y rendre. Un chiffre quasiment aussi important lorsqu’il s’agit de passer de temps avec ses amis (59%).
Les freins à la mobilité sont également générateurs de bouleversements du mode de vie. Afin de pallier les difficultés de déplacement, 39% des jeunes actifs et 38% des 25-34 ans ont déjà envisagé de changer de mode de vie (télétravail, temps partiel, arrêter de travailler) et de changer de travail. Toujours selon cette étude, 37% des 18-24 ans et 30% des 25-34 ans ont même déjà envisagé de déménager pour se rapprocher de leurs centres d’activité.
Une entrave à l’emploi
Dans une étude précédente, réalisée en décembre 2016 par Elabe en décembre 2016 et baptisée « Enquête Mobilité et accès à l’emploi » , le LMI avait mis a jour ce lien direct entre mobilité et insertion montrant combien les difficultés de mobilité étaient un frein à l’insertion sur le marché de l’emploi. Il ressortait de cette étude que « les populations les plus jeunes et socialement les plus fragiles (faible niveau de diplôme et faibles revenus) sont les plus touchées par ces problèmes de mobilité et d’accès à l’emploi : respectivement 43% et 46% des 18-24 ans déclarent avoir renoncé à un entretien (embauche ou recherche d’emploi) et avoir refusé un travail ou une formation, faute de pouvoir s’y rendre ». Cette étude confirmait également la fragilité des plus jeunes : « les 25-34 ans sont davantage concernés que la moyenne (respectivement 24% et 32%). Le phénomène touche avant tout les populations les moins diplômées (24% et 27% pour les individus ayant un niveau bac). Ils sont également plus nombreux parmi les non-titulaires du permis B (37% et 44%) ».
Former les jeunes à la mobilité !
Face à ce constat, le LMI estime que le véritable enjeu réside dans l’apprentissage de la mobilité car maitriser sa mobilité, c’est devenir autonome. Lire une carte, se repérer dans la ville, comprendre un réseau de transport, ou utiliser une application smartphone n’a rien d’inné mais nécessite d’un ensemble de compétences et de savoir-faire. L’apprentissage de la mobilité est donc un levier indispensable d’émancipation individuelle et d’inclusion sociale et professionnelle.
C’est précisément la vision que porte le Laboratoire de la Mobilité́ inclusive auprès des pouvoirs publics depuis maintenant plusieurs années :
Déjà dans son plaidoyer pour une mobilité inclusive, le LMI proposait de « développer un véritable apprentissage de la mobilité ». Qu’il s’agisse de formation dés le plus jeune âge dans le cadre du système scolaire ou de formation des jeunes à la sécurité routière et au permis de conduire.
Plus récemment, à l’occasion des Assises Nationales de la mobilité qui se sont tenues en décembre 2017 et qui ont alimenté le projet de loi d’orientation des mobilités, le laboratoire a porté et défendu des mesures simples, innovantes pour « développer un véritable apprentissage de la mobilité en France pour tous, à tous âges et tout au long de la vie ».
Parce que l’apprentissage est une question première, le LMI a créé avec l’Ecole d’Urbanisme de Paris le Diplôme Inter-universitaire de « Conseiller Mobilité Insertion » avec pour ambition d’organiser et de développer une filière professionnelle de conseillers en mobilité, véritables ambassadeurs de la mobilité. Il s’agit pour le LMI de « favoriser la montée en compétences et surtout en reconnaissance, des professionnels qui interviennent chaque jour pour la mobilité des publics les plus fragiles ». La 3e promotion est en cours de recrutement.
Le LMI contributeur du Conseil d’Orientation des Politiques de Jeunesse (COJ) pour la mobilité des jeunes
Le Laboratoire a donc intégré le groupe de travail de la commission insertion du COJ sur la thématique « mobilité des jeunes », instance initiée à la demande du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse. Mobilité sociale, résidentielle, internationale… y ont été abordées par les acteurs réunis autour de la table – parmi lesquels Pôle Emploi, membre du LMI – mais c’est sur le sujet de la mobilité quotidienne que le LMI a été principal contributeur, au travers de neuf préconisations intégrées au rapport final (préconisations 12, 13, 14, 15, 24, 25, 27, 28, et 29).
Sur la thématique de l’apprentissage, par exemple, ces préconisations visent à « inscrire les problématiques d’une mobilité à visée citoyenne dans un continuum éducatif coordonnant les actions d’apprentissage, de sensibilisation, de formation et d’information. » Il s’agit d’encourager une vision de l’apprentissage de la mobilité qui donne les clés et les éléments de compétence aux jeunes, pour leur permettre l’usage des modes de déplacements de notre monde contemporain.
Gérard Hernja, docteur en Sciences de l’éducation et responsable pédagogique et formation à l’Ecole de Conduite Française, a accompagné le LMI dans ces travaux pour apporter son expertise sur l’apprentissage. De cette coopération résulte par exemple, la recommandation d’inscrire l’éducation à la sécurité routière dans le champ plus large de l’éducation à la mobilité, avec la formation et le passage du code de la route dans les établissements scolaires. L’ambition est de voir l’éducation à la mobilité devenir le socle de mesures plus larges pour la mobilité des jeunes, en connectant les acteurs des territoires (plateformes, associations…) avec l’Education Nationale.
Ce rapport reflète aussi le besoin de développer une mobilité qui se construit pour et avec les jeunes. Ainsi, les préconisations émises mentionnent le développement des plateformes de mobilité sur les territoires pour assurer aux jeunes un meilleur accès aux solutions de mobilité, et la sensibilisation des acteurs territoriaux à la mobilité inclusive au travers d’un programme d’ambassadeurs de la mobilité. Dans ce document, le LMI pointe aussi la nécessité de produire plus de connaissance sur la mobilité des jeunes, à travers un programme de recherche et des dispositifs expérimentaux, permettant de mieux appréhender leurs attentes et la relation qu’ils entretiennent avec les modes de déplacements.
Le rapport Mobilités des jeunes a été transmis au Premier ministre, Edouard Philippe, ainsi qu’à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale et de la Jeunesse, et Gabriel Attal, secrétaire d’Etat à la Jeunesse auprès de Jean-Michel Blanquer. Une occasion de concrétiser les préconisations que le Laboratoire continuera de porter.
Le rapport complet Mobilités des jeunes est disponible en téléchargement, et a été publié sur le site du COJ.
Par ailleurs, la députée Françoise Dumas a remis les conclusions de son rapport Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée au Premier ministre le 12 février 2019.