6es RMI – Xavier Bertrand : « les fractures sociales ne doivent pas être diminuées, mais réparées »
Le Président de la Région Hauts-de-France est intervenu lors des 6es Rencontres de la Mobilité inclusive : retour d’expérience sur les actions engagées par la Région « au service d’une mobilité pour tous ».
À peine élu à la tête de la région, en janvier 2016, Xavier Bertrand avait fait de la mobilité et des transports l’un de ses chevaux de bataille. La première mesure baptisée « aide au transport » a été mise en œuvre en mars 2016 : il s’agit d’une aide pour les usagers contraints d’utiliser leurs véhicules pour aller au travail. Depuis, de nombreux autres dispositifs ont été développés dans cette région de 6 millions d’habitants : aide au covoiturage, financement du tiers des boîtiers bioéthanol E85, instauration d’un tarif unitaire de 1 euro pour les cars interurbains, aide au permis de conduire pour les jeunes…
Invité des 6e Rencontres de la Mobilité inclusive, Xavier Bertrand a fait un premier retour d’expérience de tous ces dispositifs en insistant sur le fait que « les actions doivent être réalisées à hauteur d’hommes et de femmes et que les fractures sociales ne doivent pas être diminuées, mais réparées ».
Le premier engagement de la région est l’emploi, et englobe la question de la mobilité. Nous faisons le constat d’une disparité, entre les grands centres urbains qui vont très bien, et les territoires ruraux.
Une aide au transport a été mise en place rapidement, pour apporter une réponse en termes de pouvoir d’achat aux personnes qui sont obligées d’utiliser leur voiture. À ce jour, 100 000 aides ont été versées. En revanche, le covoiturage ne fonctionne pas.
Nous avons créé un service de mise à disposition de voiture pour les personnes au chômage, pour deux euros par jour. Les transports interurbains sont également accessibles au prix symbolique d’un euro. Nous proposons aux jeunes un prêt à taux zéro de 1 000 euros pour aider au financement de leur permis de conduire, mais l’utilisation de cette offre reste limitée, car ils éprouvent des difficultés à se projeter. Leur première préoccupation est malgré tout la possibilité de déplacement.
Xavier Bertrand, Président de la Région Hauts-de-France
Comment financer la mobilité ?
Quelques semaines après la promulgation de la LOM, qui conforte les régions dans leur rôle d’autorité organisatrice des transports, Xavier Bertrand est revenu sur cette nouvelle organisation des mobilités :
La question du coût et de sa répartition se pose, et constitue le fond du problème. Les collectivités organisatrices devront consacrer davantage de moyens aux transports collectifs, et il est nécessaire d’innover. Le véritable défi sera de réussir à proposer une offre sur mesure, en fonction des populations. La région peut agir, mais doit nouer des partenariats. Le maire dispose de la connaissance de sa ville, mais la compétence est détenue par l’intercommunalité. Le rôle des collectivités et de jouer la carte de la proximité, et de rechercher des partenariats.
La question de la mobilité doit être abordée, non uniquement au niveau local, mais national. De plus, les fractures sociales ne doivent pas être diminuées, mais réparées, et les actions doivent être réalisées à hauteur d’hommes et de femmes.
Pour aller plus loin : interview de Xavier Bertrand
L’aide au transport que vous avez mis en place dans votre Région, n’est-elle pas antinomique avec la lutte contre le réchauffement climatique ?
Les Français ont, aujourd’hui, besoin de solutions concrètes et rapides. L’aide au transport est une réponse à la hausse de leur budget transport. Ainsi en début d’année, on franchira le cap des 100 000 aides versées dans la Région. Et pour soutenir un peu plus le pouvoir d’achat des habitants contraints d’utiliser leur véhicule pour se rendre au travail, la barrière des 30 kms qui permettait de toucher 20 euros par mois est abaissée à 20 kms. Certes, le budget est conséquent pour la région, presque 8,5 millions d’euros en 2019, mais qu’il faut rapporter au budget global de 3,4 milliards d’euros.
Le pouvoir d’achat et transition écologique ne sont donc pas incompatibles ?
Clairement non, car en parallèle nous avons mis en place des aides pour se déplacer de façon plus « propre ». À ce titre, la Région soutient l’installation de boîtiers Bioéthanol. Un coup de pouce que nous donnons depuis le 1er janvier 2019 sous la forme d’une prise en charge du tiers du coût de l’installation de ces boîtiers, avec un plafond de 300 €, ouvert seulement aux populations qui travaillent. Sur cette initiative, nous sommes en premières loges, alors que clairement cette compétence aurait dû être prise en charge par le gouvernement. Par ailleurs, nous avons décidé de supprimer le coût de la carte grise sur toute la Région pour tous les véhicules dits propres, c’est-à-dire hybrides, électriques… Autant d’initiatives qui montrent que financer une partie du trajet voiture, c’est aussi inciter les populations à rouler plus propre.
Concernant la gratuité des transports, quelle est votre position ?
Rien n’est jamais gratuit. Car si l’utilisateur circule, lui gratuitement, le contribuable, l’habitant de la Région ou l’entrepreneur, via le versement transport, eux, mettront obligatoirement la main à la poche. Et puis avec la gratuité se posent la question du financement du renouvellement du matériel, de l’entretien des infrastructures et plus largement des investissements. Dans les Hauts-de-France, nous avons voté l’instauration d’un tarif unique à 1 euro, peu importe la distance parcourue à l’horizon 2020 et 2021 pour les cars interurbains. C’est une avancée parmi les plus importantes qui ait été réalisées. En revanche, je maintiens la gratuité sur toute la Région pour les transports scolaires. Mais là, la philosophie est toute autre.
Quel lien faites-vous entre éducation, emploi et mobilité ?
Les trois sont liés. Les habitants des métropoles ont le choix en matière de transports, métro, bus, vélo… mais ceux qui habitent à plusieurs dizaines de kilomètres d’une ville moyenne, leur métro c’est la voiture. Cette réalité, je ne la perds jamais de vue.
C’est pourquoi j’essaie de trouver des solutions adaptées à chacun. Et ce qui est très difficile en matière d’action publique, c’est bien de faire du sur-mesure. Pourtant, la réponse est bien là. Et puis je le redis : j’ai pris un engagement, tant que je serai Président de Région, je ne ferai fermer aucune gare et aucune ligne.
Quelles solutions sur-mesure apportez-vous aux habitants des zones rurales ?
Nous avons mis en place le véhicule à 2 euros par jour. Un demi-millier de véhicules circulent pour les chômeurs qui ont retrouvé un emploi et ne sont pas véhiculés. 2 euros par jours c’est symbolique, mais je veux qu’il y ait une forme d’engagement de la part des utilisateurs. C’est important.
Et pour les jeunes éloignés des centres-villes ?
Nous avons instauré une aide au permis de conduire. La région prête jusqu’à 1000 euros avec un différé de remboursement de 2 ans. On comptabilise déjà 1000 dossiers.
Et pour les populations vulnérables ?
Entre la voiture à 2 euros, les interurbains à 1 euros et autres mesures, nous ne laissons personne au bord du chemin. Si certaines personnes hésitent à se déplacer ce n’est pas pour des raisons financières, mais plutôt par peur de changer d’environnement ou parce qu’elles entretiennent une relation au travail compliquée. Mais là on ne parle plus de mobilité. Nous lançons chaque année une opération exceptionnelle qui s’appelle le « ÉTER à 2 euros », un billet de train qui permet pour 2 euros d’aller à la mer, à la campagne ou d’aller visiter la Région. Cette opération rencontre un succès phénoménal. 101 177 habitants ont pu bénéficier de l’édition 2019. Et je ne constate aucune barrière à prendre le TER.
Concernant les voitures partagées, dans certaines villes, cette initiative ne remporte pas le succès escompté ?
Nous allons lancer un appel à projets dans les projets mois. Mais pour qu’une telle initiative fonctionne, il faut du temps, et une bonne dose l’éducation et de communication. Et puis il faut posséder le permis de conduire.
Comment résumeriez-vous votre démarche mobilité ?
Le rôle des Politiques est de se mettre à la place des français. J’essaie d’apporter une vision concrète et j’agis pour que les habitants de ma Région ne se sentent pas abandonnés. Il ne s’agit pas de réduire, mais de réparer la fracture territoriale et économique, car je suis intimement persuadé que la solution à l’isolement passe par un retour à l’emploi. Et nous pouvons y apporter des solutions concrètes.