6es RMI – Est venu le temps de l’action !
En 2016, le Laboratoire publiait son plaidoyer pour une Mobilité inclusive avec une ambition forte : placer la mobilité au cœur du débat public. Le LMI est depuis définitivement entré dans le temps de l’action. C’est précisément ce qu’a rappelé Valérie Dreyfuss, déléguée générale du LMI, lors de son discours d’ouverture des 6e rencontres de la Mobilité inclusive.
« Construire ensemble, un futur souhaitable, pour tous et ne laissant personne au bord du long chemin », c’est ainsi que Valérie Dreyfuss a ouvert les 6e Rencontres de la Mobilité inclusive. « Est venu le temps de l’action » a poursuivi la déléguée générale, tout en rappelant que nous étions « à la croisée des chemins ».
Alors que nos besoins de déplacements dans un monde globalisé sont grandissants, la mobilité reste, à bien des égards, inaccessible pour bon nombre de Français. Contrainte à s’éloigner des centres urbains, le plus souvent pour bénéficier de loyer ou de foncier abordables, une large part de la population notamment les plus vulnérables, se retrouve assignée à résidence faute d’offre de transport collectif adaptée à leurs besoins. Le manque de ressources financières suffisantes pour acquérir un véhicule ou de capacité à se saisir des nouvelles solutions de mobilités vient accentuer ce phénomène. De l’autre côté, une France de la campagne, avec des habitants qui acceptent mal de catalyser ce “fléau” qu’est devenu la voiture, qui se sentent méprisés parfois, oubliés souvent, invisibles.
Valérie Dreyfuss, Déléguée générale du Laboratoire de la Mobilité inclusive
La LOM : une réponse suffisante ?
Deux ans après les Assises Nationales de la Mobilité, la loi d’orientation des mobilités (LOM) a été publiée en décembre 2019, mais cette loi est-elle vraiment à la hauteur des enjeux ?
Cette boite à outils constitue-t-elle une réponse suffisante aux cassures et aux injustices que connaissent les territoires, mais aussi aux choix de société que nous voulons, pour nos prochaines générations ? Il s’agit de questions fondamentales, alors que le droit à la mobilité est un droit générique qui régit tous les autres droits. Nos inquiétudes d’une réduction sensible des dépenses publiques sont d’autant plus fortes que la révolution numérique comme la crise écologique vont nous obliger à remodeler en profondeur les infrastructures collectives et la nature de l’action publique sur tout le territoire national au cours des prochaines années. La mobilité inclusive appelle ainsi, une vision systémique, des politiques publiques transverses et applicables opérationnellement à la dentelle des territoires, à leur connaissance fine, tenant compte de leurs diversités et des désirs de ceux qui les habitent.
Valérie Dreyfuss
L’exigence d’une vision systémique
Cette vision systémique de la mobilité inclusive implique de répondre de manière simultanée « aux enjeux de cohésion sociale et aux défis environnementaux qui s’imposent à nous ».
Construire une transition écologique juste, signifie enfin d’arrêter l’opposition entre les politiques climatiques, la lutte contre le chômage et la pauvreté et les politiques économiques. Il est plus que jamais nécessaire de construire des convergences entre ces enjeux. Une transition écologique qui s’amorce seulement et qui sera donc portée par les générations futures, par ceux qui bâtissent et bâtiront notre monde de demain.
Valérie Dreyfuss
Le besoin d'accompagnement
Au-delà de la nécessaire convergence des enjeux, une autre priorité s’impose, celle de « l’accompagnement » nécessaire face à l’émergence de nouveaux acteurs et des technologies innovantes qui bouleversent le paysage de la mobilité.
Ces transitions à l’œuvre, si elles ne sont pas accompagnées, risquent de ne pas profiter aux plus vulnérables, qui faute de ressources, d’accès à l’information et à l’apprentissage, peuvent vite s’en retrouver exclus. Or, la mobilité est un puissant vecteur d’insertion. Répondre aux enjeux de la mobilité est un défi pour nos politiques de transport et d’aménagement, mais également d’action sociale, de solidarité ou encore de développement économique. Car si la mobilité sous-entend le déplacement, qu’il soit physique, psychologique ou mental, elle ne se réduit pas au transport. Elle est, avant tout, un lien avec les capacités et les compétences qui nécessitent pour les acquérir un apprentissage tout au long de la vie. Voilà pourquoi travailler à une mobilité plus inclusive nécessite une approche plus transversale de sa gouvernance pour qu’aucun territoire et ni aucune population ne soit laissés au bord du chemin.
Valérie Dreyfuss
Le LMI engagé dans l'action
En conclusion, Valérie Dreyfuss a rappelé la philosophie de la démarche TAMI initiée par le laboratoire à l’occasion des 5es Rencontres de la Mobilité inclusive.
Le LMI souhaite promouvoir une approche inclusive de la mobilité sur les territoires, par la démarche TAMI. Un Territoire à Mobilité Inclusive est un territoire qui intègre les besoins des publics les plus fragiles et cherche à y apporter les solutions adaptées. Mener une démarche TAMI, placée sous l’égide de l’AOM, consiste à mobiliser et coordonner les acteurs locaux dans un objectif partagé d’une mobilité accessible à tous et qui n’opposerait pas la France périphérique, à ses villes, à ses campagnes, mais qui les reconnecterait. Nous sommes sollicités pour accompagner la mise en œuvre des plans d’action mobilité solidaire et c’est avec vous que nous construirons ces outils, enrichis par vos expériences, tenant compte des contraintes qui s’imposent à vous et forts aussi, de vos belles réussites.
Valérie Dreyfuss
Retrouvez ci-dessous le discours d'ouverture intégral
Mesdames, Messieurs,
Bienvenue aux 6es rencontres de la mobilité inclusive et merci d’être venus, si nombreux pour cette journée d’échanges et de partage, autour de nos expériences mais aussi dans la perspective de construire ensemble, un futur souhaitable, pour tous et ne laissant personne au bord du long chemin que nous devrons parcourir.
Merci à vous, qui chaque jour, contribuez par vos actions, vos analyses, votre engagement, à construire une société plus juste, mieux connectée, plus sobre et ainsi plus durable.
Merci à nos intervenants pour avoir répondu présents et pour votre grand enthousiasme à venir partager vos savoirs, vos convictions et vos expériences.
Véritable temps suspendu et de mise en action, cette journée alternant prises de paroles d’experts reconnus, d’entreprises, d’élus engagés et débats de fond, se donne pour ambition, non seulement d’appréhender la mobilité dans sa globalité en incluant en amont toutes ses dimensions, sociale, économique et cognitive mais également en replaçant la mobilité au croisement des grandes mutations sociétales en cours, qu’elles soient écologiques, numériques, économiques ou politiques.
C’est donc à la croisée de ces chemins, que nous bénéficierons des regards experts de ceux qui mènent depuis si longtemps, des études, des recherches, nous permettant d’orienter les champs de nos actions : merci Vincent Kaufmann, Gérard, Alain de vos éclairages et de votre engagement à nos côtés…
8 mois de recherche immersive dans les Vosges, à Thuillières, centrée sur la notion d’éducation à la mobilité dans un territoire rural, « lieu particulier » caractérisé par « l’absence de diversité dans les solutions de transport mais aussi dans les métiers et les avenirs sur place ».
Une ruralité qui a des racines, mais aussi des ailes… Nous y reviendrons tout au long de cette journée.
Alors que nos besoins de déplacements dans un monde globalisé sont grandissants, la mobilité reste, à bien des égards, inaccessible pour bon nombre de Français. Contraints à s’éloigner des centres urbains, le plus souvent pour bénéficier de loyer ou de foncier abordables, une large part de la population notamment les plus vulnérables, se retrouve assignée à résidence faute d’offre de transport collectif adaptée à leurs besoins.
Le manque de ressources financières suffisantes pour acquérir un véhicule ou de capacité à se saisir des nouvelles solutions de mobilités viennent accentuer ce phénomène. De l’autre côté, une France de la campagne qui reçoit mal de catalyser ce « fléau » qu’est devenu la voiture. Qui se sentent méprisés parfois, oubliés souvent, invisibles.
La voiture, depuis le début du siècle dernier, est devenue symbole de la mobilité et de la liberté.
La fin des tramways électriques aux USA fut indéniablement, un marqueur d’une pensée univoque du progrès, au détriment des transports collectifs et a façonné notre rapport à l’espace et au temps.
Hors de la ville, la voiture individuelle rendue indispensable, prend désormais trop de place et rend inopérants, les transports en communs.
En France, de 1970 à 2014, les autoroutes sont passées de 1542 kms à 11 560 soit +750% , précipitant l’abandon des petites lignes ferroviaires et des gares.
Elle consacre le triomphe de l’individu sur le commun alors, comment remettre la voiture, si indispensable, dans le commun ? Car c’est ce triomphe de l’individuel sur le collectif qui façonne notre rapport à la société.
L’heure des choix, c’est aussi le nôtre, celui de vous proposer, aujourd’hui de voyager en France et nous poser dans cette France rurale, qui, a bien des égards, a beaucoup à nous dire de la façon dont on y vit et pourrions mieux y vivre.
Il y a encore 10 ans, on quittait les campagnes pour une vie meilleure, aujourd’hui en sortir serait s’en sortir, tout court…
Et pourtant, ces habitants restent attachés à leur territoire…
Y habiter sans y vivre, est un piège dangereux pour les jeunes, car, on le sait, l’ancrage géographique restreint drastiquement le champ des études et des orientations professionnelles. Or, au centre des inégalités criantes, la mobilité quotidienne comme condition d’insertion sociale et professionnelle, paraît être un des vecteurs essentiels.
Le constat est sans appel : 3 français sur 4 estiment aujourd’hui être contraints dans leurs déplacements.
Deux ans après les Assises, la LOM vient d’être promulguée.
Cette boîte à outils de 189 articles constitue-t-elle une réponse suffisante aux cassures et aux injustices que connaissent les territoires mais aussi aux choix de société que nous voulons, pour nos prochaines générations ?
Des questions fondamentales, alors que le droit à la mobilité est un droit générique qui régit tous les autres droits.
Nos inquiétudes d’une réduction sensible des dépenses publiques sont d’autant plus fortes que la révolution numérique comme la crise écologique vont nous obliger à remodeler en profondeur les infrastructures collectives et la nature de l’action publique sur tout le territoire national au cours des prochaines années.
La mobilité inclusive appelle ainsi, une vision systémique, des politiques publiques transverses et applicables opérationnellement à la dentelle des territoires, à leur connaissance fine, tenant compte de leurs diversités et des désirs de ce qui les habitent.
La mobilité inclusive doit répondre aux enjeux de cohésion sociale et aux défis environnementaux qui s’imposent à nous.
Le Secours Catholique-Caritas France publiait, en novembre dernier, son Rapport statistique annuel : État de la pauvreté en France.
Un constat alarmant : celui d’une pauvreté qui grandit parmi les jeunes et les personnes âgées.
On estime à 15 % de la population, soit 9,3 millions de personnes, la proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté (établi à 1 015 euros par mois). Le diplôme ne protège plus de la précarité : 45 % des personnes aidées ont suivi des études secondaires et la garantie d’un CDI ne protège plus.
Notamment parce que le prix des biens qui occupent la plus grande place dans le budget des ménages modestes (logement, énergie, transport) augmente plus vite que l’ensemble. « Les personnes qui sont juste au-dessus vont, à un moment donné, devoir arbitrer entre se nourrir, payer leur loyer ou régler leurs factures. »
La mobilité inclusive devra répondre aux grands défis contemporains : ceux de l’environnement.
On le sait, la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution locale sont des enjeux majeurs pour notre société et doivent être une priorité de tous les Etats du monde.
Construire une transition écologique juste, signifie enfin d’arrêter l’opposition entre les politiques climatique, la lutte contre le chômage et la pauvreté et les politiques économiques. Il est plus que jamais nécessaire de construire des convergences entre ces enjeux.
Une transition écologique qui s’amorce seulement et qui sera donc portée par les générations futures, par ceux qui bâtissent et bâtiront notre monde de demain.
Pourra-t-on se passer de la voiture individuelle ? Quelles sont les alternatives ?
Selon le MTES, le secteur des transports concentrait 31 % de la consommation d’énergie finale en France en 2016. Il est également le principal émetteur avec 31 % des émissions totales de GES selon le CITEPA.
La route représente plus de 80 % des consommations de ce secteur.
Le transport routier est le mode le plus émetteur de polluants dans l’air et représente entre 40 et 100 % des émissions des transports pour une majorité de polluants. Il est le premier émetteur d’oxydes d’azote (NOx).
2 Français sur 3 s’estiment « Préoccupés », voire « Très préoccupés », par l’impact de leurs déplacements sur l’environnement.
Ceux qui attribuent à la voiture un « impact particulièrement important sur l’environnement » sont les personnes de moins de 25 ans (55%).
Poser la question de la cohésion sociale, c’est poser celle du lien, de la nature et de l’intensité des relations existant au sein d’une société.
La réflexion sur le lien social peut être réorientée autour de la notion de confiance : confiance entre les individus et les institutions et confiance entre les individus. »
Une confiance qu’il faut redonner aussi aux jeunes, très nombreux dans les zones rurales. Ils sont 1,6 M de 15 à 29 ans à y résider – et très attachés à leur territoire. Il faut leur redonner confiance car ils seront les façonneurs de ces transitions, écologique, sociétale, sociale…
Leur confiance dans les institutions représentatives a fortement baissé. Le cumul des mandats, l’âge des élus ou un sentiment d’abandon lié à la fermeture des services de proximité, notamment publics, peuvent y contribuer. Toutefois, le bénévolat reste chez les jeunes ruraux plus fréquent que dans les villes.
Est venu le temps de la mise en action.
Ces dernières années, de nouveaux acteurs représentants de la société civile ou privés et portant des technologies innovantes ont émergé, qu’il s’agisse des mobilités propres, autonomes, connectées, partagées bouleversant ainsi le paysage et appelant des modifications d’usage et in fine, de comportement de chacun. Reste que ces transitions à l’œuvre, si elles ne sont pas accompagnées, risquent de ne pas profiter aux plus vulnérables, qui faute de ressources, d’accès à l’information et à l’apprentissage, peuvent vite s’en retrouver exclus. Or, la mobilité est un puissant vecteur d’insertion.
Répondre aux enjeux de la mobilité est un défi pour nos politiques de transport et d’aménagement, mais également d’action sociale, de solidarité ou encore de développement économique. Car si la mobilité sous-entend le déplacement, qu’il soit physique, psychologique ou mental, elle ne se réduit pas au transport.
Elle est, avant tout, un lien avec les capacités et les compétences qui nécessitent pour les acquérir, un apprentissage tout au long de la vie. Voilà pourquoi travailler à une mobilité plus inclusive nécessite une approche plus transversale de sa gouvernance, pour qu’aucun territoire et ni aucune population ne soient laissés au bord du chemin.
Depuis 7 ans, le Laboratoire de la Mobilité Inclusive rassemble 18 acteurs issus des sphères publiques et privées, de la société civile, tous réunis autour de la volonté d’agir en faveur de la mobilité des publics les plus vulnérables.
Le LMI souhaite promouvoir une approche inclusive de la mobilité sur les territoires, par la démarche TAMI.
Un Territoire A Mobilité Inclusive est un territoire qui intègre les besoins des publics les plus fragiles et cherche à y apporter les solutions adaptées.
Mener une démarche TAMI, placée sous l’égide de l’AOM, consiste à mobiliser et coordonner les acteurs locaux dans un objectif partagé d’une mobilité accessible à tous et qui n’opposerait pas la France périphérique, à ses villes, à ses campagnes mais qui les reconnecterait !
Nous sommes sollicités pour accompagner la mise en œuvre des plans d’action mobilité solidaire et c’est avec vous que nous construirons ces outils, enrichis par vos expériences, tenant compte des contraintes qui s’imposent à vous et forts aussi, de vos belles réussites !
Valérie Dreyfuss